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L'évangile fut vraiment un bouleversement et une grande joie


Je suis né en 1952 à Tibériade, de parents Juifs français, tous deux d'origine ashkenaze. Mon père, qui avait fait la guerre d'indépendance d'Israël, voulait alors revenir en France où j'ai grandi. A dix sept ans à Paris, je suis devenu très actif dans le mouvement sioniste du " Betar ", avec lequel j'ai participé activement à la lutte pour la liberté des Juifs d'URSS (à cette époque la communauté juive de France était très réservée sur ce genre d'action publique contre les institutions soviétiques). Parfois nous allions aussi faire le coup de poing dans les meetings à caractère antisémite ou antisioniste. Rien ne nous intimidait dès lors qu'Israël était en cause.

A vingt et un ans, je suis monté en Israël où j'ai fait un retour progressif à la tradition, d'abord dans un Kibboutz religieux puis, sur les encouragements d'un ami religieux, en Yeshiva* à Jérusalem. La guerre de Kippour ayant éclaté, je me suis porté volontaire pour l'armée. Dans ce pays, et surtout dans l'armée, j'ai compris que le peuple Juif ne pouvait trouver son identité en dehors de sa foi en Dieu et de sa tradition.
Après mon service militaire dans une arme combattante, je suis rentré en France et je suis allé étudier à la Yeshiva des Etudiants à Strasbourg. La découverte du Judaïsme traditionnel auprès de Rav Eliahou Abitbol est restée l'une des grandes merveilles que Dieu a faites dans ma vie. Les deux ans de Yeshiva furent un temps très intense d'étude et de prière. Nous nous levions tôt le matin, vers cinq heures, pour étudier un peu de Halakha* ; le midi nous mangions le plus vite possible pour ne pas perdre de temps, puis nous dévorions de la Guemarra* et de la Torah, souvent jusque vers onze heures du soir. Ces longues journées se terminaient par l'étude de la Parasha* de la semaine. Le Shabbat était vraiment au centre de la semaine comme le disent les rabbins, et quand je revois cette période, c'était bénédiction sur bénédiction, je me sentais dans une continuité d'histoire avec les Patriarches. Cependant tout n'était pas parfait, loin de là.

Dans l'étude j'étais comme un poisson dans l'eau, mais dans la manière de vivre et de penser je ressentais un écart entre l'accomplissement de la Torah et de l'histoire d'Israël. Je découvrais des trésors de vérité et une force spirituelle qui semblaient largement suffisants pour permettre au peuple Juif de prendre sa place au milieu des nations. Mais nous vivions comme si la pratique et l'étude de la Torah étaient isolées, sans perception d'Israël en tant que peuple. Tout en ayant une vision profonde de l'alliance, nous étions privés d'une vision d'avenir, telle que, par exemple, elle s'est ébauchée dans le sionisme en dehors des milieux religieux. Il me semblait qu'on étudiait en marge de l'histoire de l'humanité. Paradoxalement, tout en accomplissant les mitsvot* , nous nous trouvions en retrait du projet de Dieu pour Israël. J'avais du mal à comprendre pourquoi il fallait séparer la vie d'un Ben Torah (homme de Torah) de l'effort du peuple juif pour vivre au grand jour son identité. Et j'avais la curieuse impression que cet écart entre la vie de la Torah et la vie d'Israël était maintenu à tout prix et de façon artificielle, comme si on avait peur de cette grande force que Dieu a donnée au peuple Juif dans l'alliance et la Torah. J'étais plein de questions sans réponse et d'objections que je n'arrivais pas à formuler clairement. Cela rendait ma vie à la Yechiva assez mouvementée par moments.

Je finis par quitter la Yeshiva et, après quelques mois de désespoir - convaincu en particulier que je ne retrouverais jamais une " religion " aussi géniale - je suis parti en vacances dans une vallée reculée de Corse où j'avais des amis. C'est là, au milieu de nombreuses lectures sur les religions, que j'ai ouvert un Nouveau Testament. Je ne m'attendais certainement pas à voir ressurgir les discussions de la Yeshiva en ouvrant ce livre. Pourtant je fus immédiatement replongé dans cette atmosphère encore fraîchement présente à ma mémoire. Mais cette fois je trouvai dans les paroles de Jésus la réconciliation entre la Torah et l'histoire. Parfois l'enseignement de Jésus me surprenait, mais il répondait pleinement à mes attentes.

La lecture de l'évangile fut vraiment un bouleversement et une grande joie pour moi. Je fus frappé en particulier par la discussion de Jésus avec des maîtres du Judaïsme pharisien au sujet de la liberté. Jésus leur dit: "Quiconque commet le péché est esclave du péché. Or l'esclave ne demeure pas toujours dans la Maison, le fils y demeure. Si donc le fils vous libère, alors vous serez vraiment libres." (Jean 8 : 34-36). Sur le coup, la logique yeshiva me disait: " Il y a contradiction dans ces paroles : dans la Torah l'esclave trouve sa liberté en dehors de la maison et Jésus l'offre au sein de sa maison. " Pourtant dans les jours qui suivirent j'ai ressenti une grande présence de Dieu et une infinie miséricorde envers mes péchés dont je devenais soudainement conscient. Je suis entré dans une nouvelle liberté. Un accès direct à Dieu m'a été donné par le Fils qui dit: "Seul le Fils demeure dans la Maison et si le Fils vous affranchit (du péché), vous serez vraiment libres".

Ceci me rappelle une petite anecdote personnelle. Rabbi Nahman de Braslav, un maître du Judaïsme hassidique, recommande de prier Dieu dans sa langue maternelle en dehors des prières rituelles. Une nuit à la Yeshiva, je descendis donc dans la salle d'étude, et face à la Torah j'ai essayé de prier Dieu en français. Mais c'était une vraie nuit, sans rien à dire, sans savoir que demander à Dieu. Je suis reparti me coucher plutôt déçu de cette expérience froide. Or, dès que j'ai reçu Jésus comme Sauveur et Messie, Dieu m'a ouvert cette porte de la prière, de la communication vivante avec Lui.

Yohanan Goldman
Professeur à l'université de Fribourg en Suisse.

GLOSSAIRE:
Yeshiva: Ecole d'Etudes Rabbiniques
Halakha:Textes concernant les préceptes du Judaïsme
Guemarra: Partie centrale du Talmud
Parasha: Portion de la Torah lue le Shabbat
mitsvot: Commandements

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